PAROLE DONNÉE

ÉRIC FRECHON & LAZARE

Quand Éric Frechon, chef triplement étoilé de l’Hôtel Le Bristol à Paris, ouvre en 2013, le Lazare, une brasserie contemporaine au coeur de la gare Saint-Lazare, le pari paraît audacieux.

PAROLE DONNÉE

ÉRIC FRECHON & LAZARE

Quand Éric Frechon, chef triplement étoilé de l’Hôtel Le Bristol à Paris, ouvre en 2013, le Lazare, une brasserie contemporaine au coeur de la gare Saint-Lazare, le pari paraît audacieux.

Quand Éric Frechon, chef triplement étoilé de l’Hôtel Le Bristol à Paris, ouvre en 2013, le Lazare, une brasserie contemporaine au coeur de la gare Saint-Lazare, le pari paraît audacieux. Trois ans plus tard, avec un succès jamais démenti entre-temps, on se dit qu’il a sûrement eu du nez avant certains pour anticiper le renouveau des brasseries de la capitale. Rencontre avec ce chef superstar.

Comment définiriez-vous le Lazare ?

Il s’agit d’un restaurant un peu spécial puisqu’il est situé au coeur d’une gare. Or qui dit gare, dit lieu de vie, de passage. Nous devions donc créer une brasserie qui vit à longueur de journée avec une large amplitude horaire pour s’adapter aux voyageurs. Aujourd’hui, ils sont une minorité car le Lazare est devenu un lieu de destination où les clients viennent exprès pour goûter la cuisine, notamment le soir. C’est sûrement notre plus grande satisfaction, que le Lazare fasse le plein au dîner.

Comment avez-vous construit la carte ?

Il n’était pas si facile d’imbriquer les différents paramètres, nous avons beaucoup réfléchi et travaillé avant de mettre sur pied le menu : d’un côté, je voulais absolument proposer un jambon-beurre car nous sommes justement dans une gare, où certains souhaitent manger sur le pouce. D’un autre, il fallait des plats un peu plus élaborés le soir. Je tenais aussi aux plats du jour avec un semainier, comme dans les brasseries de toujours. Finalement, nous sommes un peu dans l’esprit d’un buffet de gare revisité.

D’où vient, selon vous, le succès ?

Avant tout, nous sommes intransigeants sur la qualité des produits et je pense que les clients l’ont compris. Les jus qui accompagnent nos viandes sont, par exemple, faits sur place, ce qui est malheureusement de plus en plus rare aujourd’hui. Ensuite, nous avons orienté notre carte vers la gourmandise à l’état pur. Et enfin, tout a été millimétré à l’ouverture, je voulais que rien ne soit laissé au hasard. Sûrement l’une des clés de notre réussite.

De nombreux plats sont inspirés de votre enfance ?

C’est vrai. Égoïstement, je ne propose ici que des plats que j’ai envie de manger, des plats qui me font vibrer. Le Paris-Deauville est, par exemple, devenu un dessert signature. Je voulais faire le lien entre ma Normandie natale et Paris, ce qui m’a poussé à créer ce gâteau proche de la crème caramel, que ma maman me préparait. C’est un véritable souvenir d’enfance. Les moules à la crème me rappellent aussi lorsque nous partions à la chasse aux moules sauvages avec mes parents. Sans parler de la sole à la dieppoise qui, là aussi, me replonge en arrière.

Et quels sont les plats signatures ?

Le Paris-Deauville dont on vient de parler, mais aussi les calamars sautés à l’ail, les oeufs mimosas, la terrine de foies de volaille. Ces plats sont toujours à la carte car constamment demandés par notre clientèle d’habitués.

Faut-il préparer les plats de toujours ou les revisiter ?

Dans une brasserie, je suis pour l’authenticité. À mon sens, il ne faut pas revisiter les plats traditionnels. Une saucisse-purée réussie, c’est une bonne saucisse de Toulouse bien cuite, accompagnée d’une purée de pommes de terre simple comme on l’aime. Ceci dit, rien n’empêche de faire évoluer certaines choses comme, par exemple, le fait de cuire les cailles dans des caissettes. Personne ne fait ça, mais je me suis inspiré des anciens qui cuisaient les ortolans dans de petites caissettes en bois. Ainsi, la chair est moelleuse, car protégée par le bois, et la chaleur conservée.

Que pensez-vous du renouveau des brasseries ?

Je suis assez fier, car avec le Mini-Palais et le Lazare, j’ai le sentiment d’avoir contribué, à mon niveau, au renouveau des brasseries à Paris. Avec l’arrivée de plusieurs brasseries modernes dans la capitale, nous avons fait bouger les mentalités des grosses brasseries institutionnelles. Il y a eu un sacré coup de neuf.

Comment bien recruter ?

Selon moi, un seul critère compte pour le recrutement en salle : le sourire. La gentillesse du personnel dans un établissement peut tout faire pardonner, la gentillesse doit être notre moteur.

Comment réussir la décoration d’une brasserie ?

Ce qui est important, c’est de mettre les bonnes ambiances au bon endroit. En partant d’un plateau vide, tout était à créer. Nous avons pris le parti de mettre le restaurant d’un côté et un grand bar, de l’autre. Ce dernier est le poumon du lieu, il apporte la convivialité que nous attendons tous d’une brasserie. Il y a aussi un coin lounge avec des canapés pour nos clients qui veulent lire, travailler, se détendre. Et une grande table d’hôtes a été installée avec des tabourets hauts, comme si les gens prenaient leur repas debout devant la cuisine. Là encore nous revendiquons un côté chaleureux. Quant à la décoration, nous sommes allés vers du contemporain avec du cuir noir, du Corian blanc, un vaisselier modernisé, pour adapter les codes des brasseries classiques.

Parlez-nous de Thierry Colas, votre chef exécutif…

Travailler avec Thierry Colas était presque une évidence pour moi. J’avais beaucoup entendu parler de lui dans la profession, sans que nous n’ayons jamais eu l’occasion de collaborer auparavant. Nous sommes plus ou moins de la même génération, il était passé dans de grandes maisons et je savais qu’il voulait quitter la haute gastronomie pour aller dans une brasserie. Avec Thierry, nous avons le même oeil, le même palais, la même vision de la cuisine…

Vous venez d’ouvrir une terrasse…

Oui, ce projet de terrasse aura mis deux ans à se faire. C’est une vraie chance à Paris… Nous pouvons désormais accueillir 45 couverts supplémentaires.