INSPIRATIONS

Les jambons secs, le quartier de noblesse du porc

Confectionner un grand jambon nécessite d’abord une matière première exceptionnelle, provenant de porcs à croissance lente, élevés en liberté. Il importe ensuite de saler avec précision – tout l’art du salaisonnier – et d’attendre surtout patiemment que le temps fasse son œuvre en opérant une maturation optimale des flaveurs de la viande et du persillé.

TEXTE : JEAN-MICHEL DÉHAIS | PHOTOS : PHILIPPE VAURÈS SANTAMARIA

Que ceux qui scrutent avec angoisse permettent de fournir des jambons d’exception la courbe de leur taux de cholestérol passent leur chemin et ne lisent pas ces lignes. Un jambon sec maigre représente une hérésie pour un connaisseur. Sans son élégant persillé, le Pata Negra ibérique n’aurait pas conquis les palais du monde entier. Dans ce domaine, les Espagnols disposent d’un savoir-faire exceptionnel, mais les salaisonniers français ont relevé le défi et n’ont plus à rougir. Le productivisme a pourtant bien failli avoir la peau des jambons d’excellence hexagonaux. Après-guerre, la sélection animale a imposé des races de porcs capables d’at- teindre un poids de 120 kg en l’espace de quatre mois et demi aux éleveurs. Les espèces, comme le Large White, ont colonisé les porcheries. Les races locales comme le Porc gascon ou le Cul noir limousin sont tombées dans l’oubli. Alexandre Fonseca, animateur du Consortium du Noir de Bigorre, rappelle que la race de cochons Noirs de Bigorre (porcs gascons) a été réactivée au début des années 1980, « à partir de 34 truies et 4 verrats qui avaient été conservés çà et là, dans quelques fermes isolées ».

© Philippe Vaurès Santamaria
© yam Magazine

Seul, le porc Nustrale corse faisait de la résistance dans le maquis. Élevé en liberté dans l’environnement sauvage de l’île de Beauté, il était bien adapté à cet environnement.

© Philippe Vaurès Santamaria
© yam Magazine

« Quand on lâchait des porcs blancs du continent dans la nature, ils dépérissaient et finissaient par mourir », assure Philippe Vincensini, président de l’ODG Prisuttu. Ces races locales de Corse ou du Sud-Ouest à la robe noire pour certaines ou pie pour les autres entretiennent un cousinage avec les porcs ibériques. Ce sont des cochons à croissance lente. Il faut au minimum 1 an et jusqu’à 24 mois pour amener un Noir de Bigorre à l’abattoir. En outre, un Prisuttu corse profite 18 mois de sa liberté avant que son éleveur le renvoie à son destin charcutier. Ce sont des cochons qui, à terme, affichent sur la balance un poids carcasse de 100 à 130 kg, ce qui n’est pas monstrueux, compte tenu de leur âge.

Pour lire yam

Trouver le magazine chez les marchands

LISTE DES MAGASINS

Abonnements et achats numériques

BOUTIQUE EN LIGNE