ORIGINE MATIÈRE

LES BOUGIES ARTISANALES

Si la France possédait une vraie tradition de maîtres ciriers, on compte aujourd’hui ces artisans sur les doigts de la main. Un métier d’art traditionnel qui se conjugue avec celui du recevoir.

TEXTE : ELODIE GIRONDE | PHOTO : PHILIPPE VAURÈS SANTAMARIA

ORIGINE MATIÈRE

LES BOUGIES ARTISANALES

Si la France possédait une vraie tradition de maîtres ciriers, on compte aujourd’hui ces artisans sur les doigts de la main. Un métier d’art traditionnel qui se conjugue avec celui du recevoir.

TEXTE : LESLIE GOGOIS | PHOTO : PHILIPPE VAURÈS SANTAMARIA

Chaque jour se répète le même ballet des cirières, dans la manufacture de la maison Trudon. C’est à Saint-Langis-lès-Mortagne que tout se joue, dans la région percheronne constituée de forêts, de bocages, de manoirs et d’espèces protégées, dont l’abeille noire de l’Orne qui a son mot à dire dans cette aventure. La semaine durant, les fondoirs chauffent à plein régime pour liquéfier cire végétale, cire animale et cire minérale, qui vont servir à la confection des bougies ornementales.

NEZ, CHIMISTES, SOUFFLEURS DE VERRE ET CIRIERS

Si la bougie ornementale est arrivée après l’avènement de l’électricité, la cour de Louis XV plébiscitait déjà, au xviiie siècle, les chandelles de la Manufacture de Cire, pour leur parfaite blancheur ; un gage de qualité et d’esthétique, que nos 10 cirières normandes inscrivent à leur cahier des charges. Il faut solliciter les sens, tant l’odorat que la vue, et plusieurs corps de métiers y travaillent à l’unisson. D’abord, des nez confectionnent des senteurs dans la patrie du parfum à Grasse. Les fragrances doivent supporter d’être chauffées à haute température sans que leur délicatesse en soit altérée pour autant. De nombreux contrôles sont réalisés en laboratoire dans le Perche, par Nathalie, chimiste ayant reçu une formation olfactive. Elle va habilement doser la quantité de parfum par bougie mais aussi veiller au point de fusion idéal. Toutes ces étapes préalables réalisées, il faut encore sourcer les produits, tant la cire que les mèches en coton, tant les photophores réalisés sur mesure en Italie que les colorants pour certaines bougies peintes ou teintées dans la masse. Revient ensuite aux cirières le soin d’as- sembler ces différents éléments. Un travail manuel et minutieux, pour faire éclore 150000 bougies des ateliers, chaque année, qui viendront éclairer une myriade de dîners aux chandelles.

APPRÊTER, COULER, CENTRER, COUPER, TEINDRE ET SCULPTER

Qu’il s’agisse de chandelles, de cierges, de bougies en pots, de bustes ou d’ex-voto, tous nécessitent une extrême technicité. Il faut d’abord apprêter les verres en y fixant les mèches, qui se consumeront lentement pour exhaler les parfums et diffuser une douce lumière. Ensuite, le mélange de cire fondu y est coulé, et c’est à l’aide d’un pistolet que chaque niveau est égalisé. La mèche est recentrée puis coupée, et le tout va refroidir plusieurs heures, parce que le maître mot ici est patience. Quand la cire n’est pas fondue, elle est moulée, et pour ce faire, sa composition varie, pour laisser prédominer la cire minérale, autrement dit la paraffine. C’est le cas des bustes, dont se charge fièrement Sylvia, l’une des deux seules cirières habilitées à les réaliser. Elle moule les Marie-Antoinette, Louis XIV, ou Napoléon, véritables objets iconiques de la maison, avant de les sculpter pour leur donner un irréprochable rendu. Émeline, elle, est experte dans la teinte des cierges, qui prennent plusieurs bains pour s’enduire d’une couverture, avant de se voir apposer un camée, autre signature de la maison, qui emprunte cette fois-ci à l’univers de la bijouterie. Autant de clins d’œil pour se rapprocher d’un travail d’orfèvre. Autant d’exigences aussi, que l’utilisateur aura envie de mettre à profit, en manipulant sa bougie dans les règles de l’art. Pour l’éteindre, point de souffle, mais un éteignoir pour étouffer sa flamme. Quant à la mèche, il faut la couper après chaque utilisation, autrement dit la moucher, pour prolonger la vie des bougies.