PAROLE DONNÉE

JEAN-FRANÇOIS PIÈGE, LE GOÛT DE L’ESSENTIEL

Jean-François Piège est, depuis plusieurs années, un chef incontournable du paysage gastronomique hexagonal : après avoir brillé sur les cuisines de l’Hôtel de Crillon, puis celles de Thoumieux, il est aujourd’hui à la tête de sa propre maison, le Grand Restaurant, qui, en quelques mois à peine, a su faire succomber les gourmets. Incontestablement la table de l’année.

Texte Leslie Gogois | Photo Philippe Vaurès Santamaria

PAROLE DONNÉE

JEAN-FRANÇOIS PIÈGE, LE GOÛT DE L’ESSENTIEL

Jean-François Piège est, depuis plusieurs années, un chef incontournable du paysage gastronomique hexagonal : après avoir brillé sur les cuisines de l’Hôtel de Crillon, puis celles de Thoumieux, il est aujourd’hui à la tête de sa propre maison, le Grand Restaurant, qui, en quelques mois à peine, a su faire succomber les gourmets. Incontestablement la table de l’année.

Texte Leslie Gogois | Photo Philippe Vaurès Santamaria

Il est une phase dans la vie où l’on sent qu’un chef a atteint une sérénité contagieuse en cuisine. Ce moment où il a su tirer profit de son expérience glanée au fil de son parcours pour la faire éclater dans toute sa splendeur. Jean-François Piège est clairement en train de traverser cet accomplissement où l’excellence est constamment de mise, mais sans la pression et les questionnements des débuts de carrière. Il le dit lui-même, son Grand Restaurant, table gastronomique située à deux pas du Palais de l’Élysée, pour lequel il y a déjà deux mois d’attente, est « le restaurant de la maturité, de l’accomplissement ». Il faut dire qu’en un an, ce chef si talentueux a réussi un tour de force : lancement de Clover, son bistrot niché au cœur de Saint-Germain-des Prés, achat, travaux et ouverture de son Grand Restaurant et naissance de son fils Antoine pour lequel il a déjà hâte de préparer ses premières purées. 2015 restera une année magique pour lui. Et 2016 n’a pas l’air en reste avec déjà plusieurs projets sur le feu. Il se chuchote même qu’un Clover Grill devrait voir bientôt voir le jour…

Rue d’Aguesseau, un matin de novembre. Il est 8 h 30, la cuisine étincelante du Grand Restaurant fourmille déjà. La brigade, emmenée par Nicolas Medkour, chef exécutif, Clément Bouvier, son second, et Nina Metayer, chef pâtissière, est déjà bien affairée. Pourtant, l’ambiance est particulièrement sereine et le restera même pendant le coup de feu, quelques heures plus tard. Il faut dire que les trois quarts du personnel se connaissaient déjà à l’ouverture, pour avoir travaillé ensemble chez Thoumieux, le précédent restaurant de Jean-François Piège. Cela faisait deux ans que ce chef voulait devenir indépendant et trouver son écrin, celui dans lequel il pourrait exprimer tout son talent. « Il était important pour moi de devenir propriétaire afin d’offrir une proposition qui serait totalement la mienne. Avec Élodie, ma femme, nous avons eu un coup de cœur pour cette adresse, puis après 4 mois de travaux, nous avons ouvert… Mon fils est né la même semaine », raconte Jean-François Piège dans son bureau, un joyeux fourmillement de livres de cuisine des quatre coins du monde, de bonshommes Michelin et de biberons et lait en poudre. Un lieu à l’image du chef, foisonnant mais parfaitement maîtrisé. Retour aux fourneaux, où un bouillon navet, coco et capucine embaume… Il viendra sublimer des langoustines juste raidies à la minute. « Cette nage se veut corsée, sans être piquante », précise le chef. Ici, les tendons de bœuf sont en train de souffler dans l’huile, tandis que là-bas, c’est la crème aux œufs subtilement parfumée à la bergamote qui est en train d’être confectionnée. Monsieur Hugou, trufficulteur qui collabore avec de nombreux chefs étoilés, arrive alors en cuisine. Balance et couteau sont déjà sortis pour pouvoir contrôler sa précieuse livraison de Melanosporum… Plus de 4 kilos d’or noir ce jour-là.

Le lieu mérite impérativement le détour. Pour l’assiette avant tout, mais aussi pour les arts de la table, le service aussi professionnel que chaleureux, l’ambiance feutrée mais pas trop, la décoration si étudiée. Les clients sont accueillis par une sublime cuisine ouverte, sur la gauche, promesse d’un moment suspendu hors du temps. Au bout, une salle toute en élégance, surplombée d’une verrière à facettes conçue par Gulla Jonsdottir, une amie décoratrice du couple. Sur les murs, des plaques de béton moulées une à une et superposées. « Tout cela a été un travail de Titan », se souvient le chef. Puis les premiers clients arrivent. Jean-François Piège veille à tous les détails, supervise chaque dressage. Tandis qu’il intercale des pastilles de truffe et de granny-smith sur une purée de céleri, sa voix résonne en cuisine « On envoie quatre pommes soufflées au caviar. Je les veux soignées. » Le chef nous prévient tout de go : « Il n’y a pas de vérité en cuisine, j’ai ma propre vérité. » En voici quelques-unes…