PAROLE DONNÉE

Christophe Adam,
ou la créativité sans limite

2017 est une année-phare pour Christophe Adam, le pâtissier qu’on ne présente plus : il fête ses 30 ans de métier, ses Éclairs de Génie se vendent comme des petits pains et le Dépôt Légal, sa nouvelle adresse parisienne, fait déjà beaucoup parler d’elle. Rencontre avec cet orfèvre du sucré qui surfe aujourd’hui avec brio sur la vague du salé.

TEXTE : LESLIE GOGOIS | PHOTO : PHILIPPE VAURÈS SANTAMARIA

PAROLE DONNÉE

Christophe Adam, ou la créativité sans limite

2017 est une année-phare pour Christophe Adam, le pâtissier qu’on ne présente plus : il fête ses 30 ans de métier, ses Éclairs de Génie se vendent comme des petits pains et le Dépôt Légal, sa nouvelle adresse parisienne, fait déjà beaucoup parler d’elle.
Rencontre avec cet orfèvre du sucré qui surfe aujourd’hui avec brio sur la vague du salé.

EDITING DES RECETTES : LESLIE GOGOIS | PHOTO : PHILIPPE VAURÈS SANTAMARIA

Christophe Adam, pâtissier star à la créativité insatiable, est sur tous les fronts. Entre son rôle de juré dans Qui sera le prochain grand pâtissier ?, ses boutiques Éclair de Génie et le récent lancement du Dépôt Légal, un nouveau lieu de vie de 60 places à deux pas du Palais-Royal où l’on se bouscule pour grignoter ses créations salées et sucrées, il fourmille d’idées. « J’ai eu la chance que l’aventure Éclair de Génie démarre très fort et que nous rencontrions rapidement un beau succès, ce qui me permet aujourd’hui d’entreprendre et de développer les projets qui me tiennent vraiment à coeur. J’avais, par exemple, envie depuis longtemps d’ouvrir un café à Paris où serait proposée une cuisine fraîche et décontractée, élaborée avec des produits d’exception que j’aurais sourcés partout en Europe. Je suis même allé au Brésil à la rencontre des producteurs pour choisir le chocolat et le café du Dépôt Légal. Notre café est ensuite torréfié sur place. La qualité est primordiale à mes yeux. » raconte Christophe Adam.

Qui aurait pu imaginer que le jeune Christophe, peu porté sur l’école, deviendrait ce chef pâtissier talentueux qui vend aujourd’hui plus d’un million d’éclairs par an juste à Paris et qui est désormais présent dans 24 points de vente à travers le monde, pour sa jeune marque Éclair de Génie lancée en 2012 ? Il faut dire qu’on n’a rien sans rien : les journées de Christophe Adam donnent parfois le vertige, tant il fait partie de ceux qui font tenir deux heures de boulot en une. Lors des prises de vues de ce numéro spécial de Yam, nous avons pris toute la dimension de son rythme effréné : en plein dressage d’une assiette, ses collaborateurs défilent à tour de rôle pour régler tout un tas de détails avec lui. Que ce soit Paula Boulicaut, la chef de production de son laboratoire, qui lui propose de lancer un éclair mascarpone-fraises des bois, Élise Lepinteur, chef pâtissière R&D, qui lui fait goûter quatre versions de pâte à choux élaborées avec différents dosages de vanille, son service marketing venu valider la tenue des serveurs du Dépôt Légal ou encore le webmaster prenant une vidéo pour Instagram… Entre deux recettes, il prend le temps de revenir sur son incroyable parcours et sur sa passion dévorante pour les nouveaux projets. Car c’est ce qui frappe le plus chez ce créatif passionné : sa soif d’entreprendre et d’aller là où il n’est pas forcément attendu.

Quels sont vos ingrédients de prédilection en pâtisserie ?
J’apprécie particulièrement la vanille de Madagascar pour son goût classique, tout en sobriété.
Alors même si les prix s’envolent aujourd’hui, je l’utilise fréquemment dans mes desserts. J’aime aussi le praliné à base de noix de pécan, aux saveurs boisées, qui est complètement différent de ce qu’on connaît en version noisette ou amande. C’est celui que je sers avec le mille-feuille composé de crème à la vanille et de mouillettes de pâte feuilletée caramélisée, mis au point pour le Dépôt Légal. Nous le réalisons nous-mêmes dans notre atelier parisien.

Vous utilisez aussi beaucoup le caramel ?
Oui, le caramel fait partie de mon ADN de pâtissier et de Breton ! Je viens en effet de Landivisiau, entre Morlaix et Brest. Il faut dire que le caramel est une valeur sûre en pâtisserie : notre éclair au caramel au beurre salé est notre meilleure vente partout dans le monde… Et c’est amusant car la première odeur qui m’avait marqué lors de mon apprentissage chez Monsieur Legrand était un caramel à la banane. Je l’ai toujours gardée en tête.

Quel est votre ressenti sur la pâtisserie actuelle ?
À travers le monde entier, nous allons vers une pâtisserie très artistique. Avec internet et notamment Instagram, nous avons désormais accès à tout ce qui se fait de l’autre côté du globe depuis notre canapé. Ce qui crée une émulation différente, je pense, pour les pâtissiers d’aujourd’hui. Ceci dit, pour ma part, je me dirige plus vers le goût que l’artistique en proposant des créations axées sur les bons produits.

Comme pour votre terrine de pommes par exemple ?
Exactement. Pour cette recette que je propose au Dépôt Légal, je me suis inspiré de la cuisson de la tarte Tatin que Philippe Conticini proposait à la Pâtisserie des rêves. J’en propose quelque part une version plus brute, façon gratin dauphinois : des tranches de pommes finement taillées à la mandoline, puis caramélisées. J’ai testé cette recette avec des pommes Golden et Fuji, pour finalement retenir les secondes dont le goût se marie mieux avec le caramel. Le produit est au cœur de toutes mes créations !

Racontez-nous l’aventure Éclair de Génie…
C’est avant tout la belle histoire d’un trio : en 2012, Charles Lahmi et sa fille Déborah sont venus me chercher pour monter un projet autour des éclairs, un de mes desserts de prédilection depuis mon passage chez Fauchon pendant 15 ans. Lorsque j’ai quitté mon poste de directeur de la création de cette maison mythique à 39 ans, après 25 ans en tant que pâtissier, j’avais un peu le sentiment d’avoir fait le tour de ce métier et d’avoir envie d’autre chose. Avec mon frère, j’ai monté dans la foulée Adam’s, une adresse de snacking qui fonctionnait bien. Mais avec le lancement d’Éclair de Génie, ces deux projets en parallèle devenaient trop chronophages. Il était compliqué de tout mener de front, je me suis donc concentré sur cette aventure autour des éclairs.

Vous êtes associé depuis 2012 avec Charles Lahmi, comment votre duo fonctionne-t-il ?
Nous avons su construire un socle de confiance entre nous, fondé sur le respect du travail de chacun. Il existe une belle osmose entre nous et pas seulement une histoire d’association professionnelle. Pour réussir, il faut savoir gérer les phases plus compliquées et profiter des moments de joie. Et surtout, toujours se remettre en question.

Comment garantir la qualité quand on vend un million d’éclairs par an juste à Paris ?
Avant tout, nous ne travaillons qu’avec des produits frais, condition sine qua non pour obtenir de la qualité. Ensuite, tous nos pâtissiers sont formés à Paris pour apprendre et maîtriser notre savoir-faire, avant qu’ils ne partent ouvrir de nouveaux points de vente à travers le monde. Nous avons la chance de connaître un développement très rapide, nous sommes dans une effervescence positive. Aujourd’hui, 80 personnes travaillent à mes côtés et nous sommes présents dans 7 pays ; mon rôle consiste à les motiver et leur donner envie d’aller toujours plus loin.

Comment créez-vous vos nouvelles recettes ?
Nous les mettons au point avec Élise Lepinteur, ma chef R&D. Elle est depuis 2 ans et demi à mes côtés et nous nous comprenons facilement. Là, nous venons par exemple de mettre au point un « éclair sandwich » pour le salon Taste of Paris, qui sera servi dans un papier journal et composé d’une pâte à chou fendue en deux, puis garnie de crème montée vanille, de praliné, de graines de sarrasin caramélisées et de chiffonnade de chocolat au lait. J’ai la chance d’être extrêmement bien entouré, que ce soit par Élise mais aussi Paula Boulicaut, chef de production du labo ou encore Alban Favier, chef de production de la fabrique chocolat. Et il ne faut pas oublier mon équipe du bureau : Jabert Ben Makhlouf le directeur d’exploitation, Karine Lozach qui chapeaute la communication et le développement des projets, Eva Benarrous, la graphiste, Justine Veillon, la chef de produit épicerie. Cette équipe me suit depuis l’ouverture d’Éclair de génie, nous vivons une belle histoire tous ensemble… Ils sont jeunes, doués et motivés !

Quels sont vos prochains projets ?
Nous venons d’ouvrir une boutique Éclair de Génie à Vancouver ; à la rentrée, nous aurons un point de vente au sein de la gare du Nord et bientôt un à Miami et un autre à Beyrouth. Et surtout le Dépôt Légal, mon café qui vient de voir le jour. J’avais cette volonté forte de proposer une cuisine fraîche, décomplexée, préparée avec de bons produits dans un lieu ouvert non-stop de 8 h à 23 h. J’aime faire plaisir aux gens, qu’ils se sentent bien… C’est toujours ce qui m’a motivé au quotidien.

D’où vous est venue cette idée de café ?
J’avais le sentiment d’avoir atteint un cap dans ma vie. Il faut se rappeler que j’ai commencé comme commis pâtisserie en 5e d’adaptation et me voilà aujourd’hui entrepreneur. Je suis heureux de ce parcours mais il était temps de repartir sur autre chose que les éclairs ; et cela fait 20 ans que j’avais envie d’ouvrir un lieu avec des places assises où je pourrais cuisiner du bon, dans l’air du temps avec quatre temps forts de dégustation dans la journée : petit-déjeuner, déjeuner, goûter et apéro. J’avais envie d’une adresse ouverte 7 jours sur 7… Là encore, ce projet fou a pu voir le jour grâce à la complicité que j’ai avec Charles, mon associé. Il m’épate par son audace, son professionnalisme. Notre duo, une fois de plus, se lance dans un nouveau pari.

D’où vient ce nom de Dépôt Légal ?
Le bâtiment est classé et appartient à l’INHA – Institut National d’Histoire de l’Art. Il nous tenait à coeur de mettre en valeur ce côté historique, qui fait la richesse du patrimoine culturel parisien. À l’origine, c’est là que les livres transitaient pour que le « dépôt légal » y soit apposé avant qu’ils ne soient transférés à la Bibliothèque nationale, qui est juste en face. Aujourd’hui, nous cherchons à en faire un lieu de vie où sont « mis en dépôt » de bons produits, vendus à leur juste prix, leur prix « légal »…

Comment vous définiriez-vous aujourd’hui ? Toujours comme un pâtissier ?
J’ai eu la chance d’avoir été chef pâtissier pendant de nombreuses années chez Fauchon. Jusqu’à ce que mon envie de quitter le labo de production devienne plus forte que tout, je voulais avoir d’autres casquettes qu’uniquement celle de pâtissier… À l’heure actuelle, je suis tour à tour créateur de recettes, chef chocolatier, webmaster, graphiste, directeur artistique, entrepreneur, patron, et c’est précisément cette diversité qui me plaît et me parle. Aucune journée ne ressemble à une autre.

Que vous souhaiter de plus ?
Notre moteur est de continuer à développer notre entreprise, en multipliant les ouvertures à l’étranger et en impliquant toujours plus nos collaborateurs. Et si le Dépôt Légal marche aussi bien qu’on le souhaite, pourquoi ne pas ouvrir plus grand, voire même mettre sur pied un laboratoire central ? Nous verrons bien…