LE GESTE, L’OUTIL, L’ACTEUR

LA MANUFACTURE DE SÈVRES

Aux portes de Paris. C’est là, depuis le XVIIIe siècle, que la Manufacture de Sèvres oeuvre à la réalisation de porcelaines d’exception. Si, au fil du temps, ses locaux ont plusieurs fois changé d’adresse, les pratiques de ses techniciens d’art, elles, n’ont pas bougé. La preuve…

LA MANUFACTURE DE SÈVRES

Aux portes de Paris. C’est là, depuis le XVIIIe siècle, que la Manufacture de Sèvres oeuvre à la réalisation de porcelaines d’exception. Si, au fil du temps, ses locaux ont plusieurs fois changé d’adresse, les pratiques de ses techniciens d’art, elles, n’ont pas bougé. La preuve…

TEXTE : JÉRÔME BERGER | PHOTO : PHILIPPE VAURÈS SANTAMARIA

Au milieu d’un noeud d’axes routiers vertigineux, la Manufacture de Sèvres passe presque inaperçue. Et pourtant… Fondée en 1740 à Vincennes, transférée en 1756 sur la route de Versailles, puis à nouveau déménagée, elle siège depuis 1876 en bordure de Seine, à l’orée du domaine de Saint-Cloud, sur un site de 4 hectares. Un dédale de 24 bâtiments, abritant le Musée national de céramique, un centre de formation, un laboratoire, un moulin, 6 fours à bois XXL, des espaces de production… Car rien n’échappe à ce patrimoine culturel classé Monuments historiques. Tout est fait sur place. De la formulation des 1 001 couleurs répertoriées à la cuisson des porcelaines, en passant par la réalisation des pâtes ou « terres » à partir de kaolin, feldspath, quartz et eau de pluie ; et, bien sûr, le tournage. Un savoir-faire hautement cinégénique d’ailleurs. C’est sous les toits du Grand Atelier, dans une immense salle baignée de lumières et de porcelaines en attente d’interventions, que travaillent une dizaine de tourneurs, chacun à son poste. Gros plan sur l’un d’entre eux, Christian Boaretto… Action !

 

LE GESTE : L’ÉBAUCHAGE

Le point de départ du travail du tourneur. En clair, une première mise en forme de la pièce à réaliser.

Pâte de porcelaine en quantité, dessin d’exécution et outils requis. Christian Boaretto dispose de tout le nécessaire utile à portée de lui. Lentement, sûrement, il façonne une petite boule de pâte qu’il plaque sur le tour, avant de la travailler à la main, en la montant et en la descendant. Précise, l’opération n’a rien d’anodin. Elle permet d’homogénéiser la matière en supprimant ses noeuds. L’ouvrage peut alors réellement commencer. Sur le tour toujours, l’artisan s’affaire à donner à la pâte la forme globale extérieure, puis intérieure, de l’objet commandé. Pour aller plus en avant, un outil inattendu intervient. « La ‘terre’ conserve la mémoire de nos gestes. Si l’on n’y prend pas garde, la porcelaine restitue ces vibrations après cuisson. » De là la nécessité de tourner à… l’éponge, pour gommer les empreintes de ses doigts. Autre ustensile à faire son apparition : les estèques. D’ardoise ou de bois, ces formes aident à respecter la courbure de la pièce à réaliser. Assez rapidement, ses lignes se dessinent, mais dans une épaisseur conséquente. Ainsi va la conception du métier.