GRANDE TABLE
ALEXANDRE GAUTHIER
« Ce que je cherche, c’est un lien entre un produit, une sensation, un moment. »
TEXTE : LESLIE GOGOIS | PHOTO : PHILIPPE VAURÈS SANTAMARIA
Le jardin a repris vie. Après un an et demi d’interruption forcée, La Grenouillère a rouvert ses portes. La Canche, habituellement paisible, était sortie de son lit en novembre 2023, noyant la tisanerie, envahissant les cuisines, stoppant net l’activité. Nous devions arriver le jour des inondations pour un reportage à paraître dans yam… Autant dire que nous avons espéré cette renaissance avec impatience. En attendant, il a fallu fermer, réparer, tenir bon. Un an et demi de pause contrainte, vécue non pas comme un repli, mais comme un temps à mettre à profit. Alexandre Gauthier, auréolé de deux étoiles au Guide Michelin, a traversé cette période de la même façon qu’il avance en cuisine : en regardant devant, en protégeant son équipe, en imaginant la suite. Il s’agissait non seulement de reconstruire, mais aussi de réaffirmer ce que représente la Grenouillère : une maison libre et en mouvement. C’est à la Madelaine-sous-Montreuil (Pas-de-Calais), dans cette plaine au bord des marais, que le chef écrit depuis près de 20 ans l’un des parcours les plus singuliers de la scène gastronomique française. La Grenouillère, qu’il a reprise des mains de son père en 2005, ne constitue pas un simple restaurant : il est un lieu pensé dans sa globalité. Une maison construite autour d’une vision forte : celle d’un chef qui tire sa propre trajectoire, sans mimétisme, avec exigence. Elle s’écrit dans un décor signé Patrick Bouchain, où la matière brute côtoie l’invention délicate.
© Philippe Vaurès Santamaria
© yam Magazine
Rien n’est standard : les assiettes façonnées à la main par Sylvie Himpens, fidèle complice d’Alexandre, les meubles fabriqués sur mesure, les tables en cuir tatouées Philippe Spé, le pain pétri chaque jour sur place à partir d’un assemblage de farines autochtones imaginé par le chef et son meunier Marc-Antoine.
© Philippe Vaurès Santamaria
© yam Magazine
Depuis la réouverture, les convives entrent désormais par les jardins, comme une amorce silencieuse, naturelle, organique, avant de pénétrer dans la salle. Ce n’est pas un décor figé, mais un lieu vivant, qui les accueille dans une cohérence rare. Le territoire s’exprime ici autrement. Pas à travers des clichés régionaux, mais par une attention au vivant, à l’élémentaire. La tisanerie, les herbes aromatiques de collection et sauvages, la mer toute proche, la lumière… Tous ces éléments composent une grammaire sensorielle, que la cuisine retranscrit avec intensité. Il s’agit d’apprivoiser le potentiel d’un territoire. Cette réouverture va plus loin qu’une simple reprise d’activité. Elle marque un nouveau cycle. Celle d’un chef qui avance, avec ses idées, ses convictions, son équipe, et ce lien intime avec le lieu. À La Grenouillère, on ne vient pas simplement dîner, mais pour être surpris. Et surtout, l’on repart avec la certitude d’y revenir.
Vous y retrouverez également ses 14 recettes
Asperges blanches
navets, vinaigre, citrons
© Philippe Vaurès Santamaria
© yam Magazine
Table de sucre cerise
cacao, aspic de cerise, amande et opaline
© Philippe Vaurès Santamaria
© yam Magazine
Gâteau de feuilles d’épinards
garum de homard, chlorophylle et tanaisie
© Philippe Vaurès Santamaria
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