GRANDE TABLE
GIULIANO SPERANDIO
« J’aime la diversité de cette équipe qui comporte beaucoup de reconversions, de nationalités différentes. C’est ce qui rend la cuisine vivante. »
TEXTE : LESLIE GOGOIS | PHOTO : PHILIPPE VAURÈS SANTAMARIA
Rue Lamennais, l’élégance discrète d’une maison parisienne. À l’intérieur, les murs boisés d’un lieu qui, depuis 75 ans, incarne l’excellence gastronomique française. Le Taillevent. Une institution vivante, enracinée, où l’art de recevoir continue de se transmettre, génération après génération, avec ce supplément d’âme qui distingue les grandes tables des simples adresses. Giuliano Sperandio en est le chef. Et c’est bien plus qu’un rôle. Sa nomination, à 38 ans, par les frères Gardinier — propriétaires des lieux — a fait figure de passage de témoin. À un homme qui n’a rien cherché à imposer, mais a tout révélé. Italien de naissance, Parisien d’adoption, Giuliano Sperandio a grandi entre mer et montagne, au milieu des oliviers, dans la ville d’Imperia. Ses expériences l’ont emmené de New York à la Toscane, de la Suisse à la Grèce avant d’atterrir à Paris auprès de Pierre Gagnaire, puis de Christophe Pelé. Tissé de doutes, de travail acharné et d’une quête constante de liberté, son parcours se lit en filigrane dans ses assiettes. Lors de son arrivée en 2021 à la tête de ce restaurant emblématique, il n’a pas seulement pris la suite d’une lignée prestigieuse, notamment marquée par Philippe Legendre et Alain Solivérès. Il l’a habitée. Seul, sans brigade, juste avant les travaux de rénovation, il s’est d’abord assis sur une banquette de la salle historique, attentif à ce que les murs pouvaient lui raconter afin de s’immerger dans les vibrations du lieu.

© Philippe Vaurès Santamaria
© yam Magazine
Puis il s’est posé une question simple et fondatrice : qu’est-ce que la cuisine française ?
Sa réponse, venue de son regard de cuisinier italien, s’est structurée autour de cinq piliers : simplicité, richesse, opulence, bons produits, bonnes techniques. Un socle solide, sur lequel il s’appuie depuis bientôt cinq ans.

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De cette réflexion sont nés deux menus qui représentent aujourd’hui son passage au Taillevent : Héritage et Gestes. Le premier réactive la mémoire gourmande de l’établissement boudin de langoustine, tourte de ris de veau, vol-au-vent, bœuf Wellington, chariot de fromages, soufflé… Les grands classiques historiques sont mis sur le devant de la scène. Quant au second, il laisse toute sa place à l’art de la salle, à ces gestes précis qui redonnent sens au service à la française. « La veille de la réouverture, je me suis dit : il faut évidemment mettre en valeur le geste. » Le soir même, ce menu prenait vie. Depuis, il rencontre un succès qui ne se dément pas. Là où d’autres auraient été écrasés par une maison intimidante, en raison de la richesse de son passé, Giuliano Sperandio a vu un terrain d’expression. « Le Taillevent, ce n’est pas moi, ni les chefs d’avant. Le Taillevent, c’est la salle. » Fidèle à cette vision, il a redonné au restaurant sa respiration, sans surjouer la tradition, sans tordre le classique. Giuliano ne cherche pas à bousculer, mais à libérer. « Je me moque de mon image. Quand je prends un poste de chef, je cherche avant tout à faire vivre une maison. » Le Taillevent a trouvé avec lui un chef d’équilibre, qui revendique une liberté maîtrisée pour mieux déployer sa créativité.

Vous y retrouverez également ses 14 recettes
Tarte champignons ormeaux
lard, sabayon Tio Pepe

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Cuisses de grenouille « meunière »
grenouilles, sauce Aji Panka

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Lièvre à la royale
foie gras, girofle, poivre

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